Barcelone, juillet 2022 – Par Anwar Zibaoui, coordinateur général de l’ASCAME. Article initialement publié par la Fondation Friedrich Naumann pour la liberté.
La bataille contre le COVID-19 se poursuit alors qu’il devient une maladie chronique qui n’est pas encore maîtrisée. La pandémie a mis en évidence de nombreuses vulnérabilités et problèmes, mais nous sommes confrontés à une occasion unique de redémarrer des secteurs tels que le tourisme et de proposer un nouveau modèle plus durable.
Le secteur du tourisme méditerranéen était déjà confronté à une offre excédentaire de capacité hôtelière, à la crise économique et à la bureaucratie, ainsi qu’à un manque de flexibilité et d’innovation et à une mauvaise collaboration entre tous les acteurs du secteur. Des problèmes tels que le changement climatique, les catastrophes naturelles et la limitation des ressources disponibles ou des défis tels que des actes terroristes insensés, des incendies, des ouragans ou des sécheresses. Ce qui se passe n’importe où dans le monde a des répercussions considérables sur l’ensemble du secteur du tourisme.
Quelle que soit la nouvelle normalité, avec la réouverture progressive des frontières, les voyageurs commencent à arriver à destination et il est temps de réagir de manière appropriée avec des solutions durables et de définir l’avenir. Mais malgré la pandémie et la guerre en Ukraine, les indicateurs sont bons. Au cours du premier semestre 2022, les destinations méditerranéennes européennes ont enregistré une croissance de 11,7 %. En revanche, le Moyen-Orient et l’Afrique ont enregistré une baisse de 20,8 %. La région méditerranéenne dispose de 20% de la capacité d’hébergement hôtelière mondiale. Les 24 pays méditerranéens comptent 10.000 destinations, environ 100.000 hôtels et un million de restaurants.
Quatre pays méditerranéens figurent parmi les destinations les plus prisées au monde : la France, l’Espagne, l’Italie et la Turquie. La Méditerranée est la première région touristique du monde, avec 35 % de toutes les arrivées de touristes internationaux et 30 % des recettes touristiques mondiales. Le tourisme méditerranéen représente également 13% des exportations des pays méditerranéens et 23% du secteur des services : il emploie des millions de personnes. Cependant, le tourisme méditerranéen reste un secteur disparate, hétérogène et fragmenté.
De nombreux pays du sud de la région font les frais de la pandémie, de l’insécurité et de l’instabilité politique. Et avec leur principale source de devises étrangères touchée, les conséquences pèsent sur les économies, effraient les investisseurs, accroissent l’instabilité et aggravent le chômage, poussant leurs jeunes à émigrer.
Le secteur du tourisme en Méditerranée a désormais besoin d’un soutien vital pour faciliter sa transformation vers un nouveau modèle plus résilient, vert et bleu, qui renforce les économies locales de manière équilibrée et durable.
La pandémie peut être un tournant pour les économies méditerranéennes. Nous savons que nous devons réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Une quatrième révolution industrielle a commencé, avec de nouveaux outils numériques, qui sont un puissant accélérateur d’inclusion, de compétitivité et de coopération et qui renforcent la durabilité. Depuis la crise financière mondiale de 2008, nous savons que nous devons évoluer. Si, historiquement, le tourisme a montré une grande capacité à s’adapter, à innover et à se relever de l’adversité, cette situation sans précédent exige de nouvelles approches, une réponse solide et un partenariat à plusieurs niveaux.
Les défis actuels et futurs pour la Méditerranée sont de devenir une destination touristique durable et d’imposer une responsabilité partagée basée sur les trois piliers de la durabilité : économique, environnemental et social. Le tourisme du futur intègre des objectifs de développement équilibrés et ciblés et exige un changement d’attitude de l’ensemble de la chaîne de valeur : les destinations, les entreprises et les touristes doivent relever les défis et s’engager dans de nouvelles mesures et actions pour garantir la durabilité, l’efficacité et la rentabilité.
Le tourisme communautaire encourage également un comportement responsable des consommateurs en favorisant des échanges culturels et une compréhension plus profonde que le tourisme traditionnel de plage et de soleil. Il ne faut pas oublier l’importance de la sensibilisation des visiteurs. Les consommateurs sont un puissant moteur de changement. Leurs voix et leurs exigences ont le pouvoir d’améliorer l’économie et le bien-être.
Le nouveau voyageur post-pandémie a changé et recherchera des expériences plus personnelles, en s’éloignant des destinations de masse. Ce voyageur a développé des attentes plus élevées en matière d’hygiène et de sécurité, et il est susceptible de s’orienter vers des expériences de vacances qui mettent plutôt l’accent sur la qualité.
L’industrie touristique méditerranéenne ne dispose pas d’un organisme officiel capable de rassembler toutes ses voix, de représenter et de coordonner leurs intérêts communs. Un organisme unique doit être créé pour servir de forum au secteur afin de favoriser une collaboration et une unité accrues, de partager les ressources, de fixer les prix, de renégocier les contrats, de fournir un soutien juridique en cas de litige et de communiquer avec les gouvernements. La capacité à continuer d’attirer les touristes doit être améliorée afin d’assurer une position de leader au niveau mondial.
La voie à suivre est claire : favoriser la coopération et la coordination d’un marché touristique méditerranéen cohérent, moderne et efficace. Un secteur rentable qui génère non seulement des revenus mais aussi des emplois et qui profite à l’ensemble de la population. Un secteur préparé au changement climatique et aligné sur les objectifs de développement durable. Sans un plan global pour consolider son leadership, la reprise et la durabilité sont en danger.
L’impact du tourisme n’est pas seulement important pour l’économie. C’est aussi une expérience d’apprentissage qui ouvre de nouvelles perspectives sur d’autres cultures et facilite la compréhension de l’histoire et du mode de vie d’autres peuples. Il n’est pas surprenant que certains des meilleurs écrits de la littérature aient été produits par des écrivains voyageurs, tels que Marco Polo et Ibn-Battuta.